Les achats de notre musée : la carabine d’Orléans modèle 1842

UNE CARABINE MODELE 1842

UNE CARABINE MODELE 1842
( Dite carabine d'Orléans )
Système " à chambre rétrécie "
CARACTERISTIQUES GENERALES
  • Longueur totale de l'arme : 1,274 mètres.
  • Longueur du canon : 0,81 mètre.
  • Longueur interne de la chambre rétrécie : 52 cm
  • Diamètre de la chambre rétrécie : 13,5 millimètres
  • Calibre : 17,5 millimètres.
  • Poids total de l'arme : 4,6 kg.
UNE ARME INNOVANTE
1840 marque un tournant décisif dans la longue histoire de notre armement national. C'est en effet cette année là que fut imposé le système de mise à feu par percussion en remplacement de celui à silex en usage depuis la seconde moitié du XVII° siècle.

Compte tenu des importants stocks en service et en dépôts, la mutation s'opéra en deux séquences.

D'une part, la transformation de la plus grande partie des existants de modèles 1816, 1822 voire An IX par des travaux techniques relativement simples et peu onéreux en regard des avancées industrielles en pleine expansion à l'époque.

D'autre part, la mise en étude rapide de nouvelles technologies et de nouveaux modèles, tant pour les platines que pour les canons. Le système " à chambre rétrécie " relève de ces démarches et la carabine modèle 1842 en est l'un des produits.

LA TECHNIQUE DE LA "CHAMBRE RETRECIE”

Son but essentiel est de rentabiliser au maximum la répartition de la charge de poudre au fond du canon afin d'en optimiser les effets lors de la mise de feu. Le principe en est simple. Il consiste en fait à sous calibrer le fond du canon sur une certaine longueur de façon à ne recevoir qu'une charge précise et prédéterminée (le chargement s'effectue par la bouche). Elle est elle même contenue dans des emballages en papier spécialement conditionnés à ce volume. L'entrée du rétrécissement était légèrement chanfreinée de façon à ce que la poudre s'écoule en totalité dans la chambre rétrécie. Un sabot de bois était ensuite introduit au moyen de la baguette de façon à la recouvrir et en assurer l'étanchéité en prenant appui sur l'épaulement. La balle, enfin était mise en place et finalement légèrement tassée au moyen de la baguette afin d'épouser en fond les rayures du canon. Dès lors, l'arme était prête à faire feu. L'inconvénient majeur, comme du reste pour toutes les pièces répondant à ce système, était qu'elle ne pouvait être déchargée en cas de non usage. Il fallait donc " tirer en l'air ". L'avantage principal était une précision accrue par rapport aux armes à canons lisses, comme en témoignent des organes de visée assez sophistiqués pour l'époque, ainsi qu'une puissance d'impact et une portée relativement accrues.

LA CARABINE " D'ORLEANS " MODELE 1842

Cette belle arme, d'une incontestable élégance en dépit de son aspect quelque peu massif, est souvent confondue avec le fusil de rempart du même modèle dont elle possède, au détail près, presque toutes les caractéristiques.

Toutefois, la différence est malgré tout facile à faire, ne serait ce qu'au calibre : 17,5 millimètres pour la carabine et 20,5 pour le fusil, et aux poids respectifs 4, 6 pour la première et 4, 0 pour le second.

Son canon comporte quatre rayures plates, profondes de 0,5 millimètres au pas de 6,22 m de gauche à droite, source certaine de stabilité du projectile sur sa trajectoire, et donc de précision par rapport aux armes à âme lisse. Par ailleurs, leur faible profondeur, leur largeur et leur pas très progressif ne gênaient pas l'introduction de ce dernier qui n'était légèrement forcé qu'en fin de chargement. Du reste, afin de faciliter cette opération au début, l'intérieur de la bouche était un peu fraisé.
Les organes de visée consistent en un guidon fixe sur embase rectangulaire, une hausse élevée, fixe également et percée de deux oeilletons pour les distances de 200 et 300 mètres puis, articulée à son pied de façon à pouvoir être relevée, une planchette incluant des oeilletons progressifs dans la hauteur pour celles de 400 et 500 mètres. Il va sans dire que ce dispositif constituait un plus considérable par rapport au fusil ordinaire d'infanterie à canon lisse, qui ne comportait que deux simples éléments de visée fixes et dont la précision au-delà de 100 à 150 mètres était des plus aléatoire.

Le côté droit du canon présente à son extrémité, à hauteur de la bouche, un tenon en T avec génératrice (ou guide) pour fixation du sabre baïonnette du même modèle. Ce dispositif, nouveau par rapport à celui des baïonnettes à douille, sera du reste intégralement repris par la suite sur les avatars de ce type d'arme ainsi que sur les fusils Chassepot Mle 1899 et Gras Mle 1874 ainsi que sur certaines autres armes dérivées de ces systèmes .

La queue de culasse enfin est bien marquée du millésime du modèle, soit 1842.

La platine



La platine, autrement dit le mécanisme de mise de feu, est du type 1840, donc construite neuve avec les mécanismes d'armement et de détente rejetés à l'arrière et chien marteau de percussion à l'avant. Outre la platine transformée des anciens systèmes à silex, qui en garde l'aspect extérieur, elle sera la seule, légèrement modifiée au fil du temps, à équiper des armes relevant de la mise de feu à percussion durant la brève existence de cette technique qui s'éteindra en 1866 avec l'avènement de la culasse mobile, bien que ce qui existait à l'époque servira encore durant le conflit de 1870 et même encore un peu au delà. A titre de comparaison, dans le contexte historique le système à silex s'était imposé sur deux siècles…

Cette platine est marquée " Mre Royale de Tulle " ; Elle comporte en outre un poinçon D surmonté d'une petite étoile, le tout dans un ovale en creux. Il s'agit là de la marque du 1° contrôleur Delmotte, en poste à la manufacture de 1839 à 1846, créneau durant lequel fut fabriquée l'arme.

crosse



En effet, d'autres inscriptions sur le bois de la crosse et le pan supérieur latéral gauche du canon révèlent les identifications MR et 1844, soit Manufacture Royale et la date de mise en service, donc durant la Monarchie de Juillet ( 1830- 1848 ).

Dans le domaine du détail, toutes les garnitures de l'arme sont en fer. La monture est en bois de noyer d'un bon fil. La pièce de sous-garde, à l'arrière du pontet, comporte des nervures pour la prise de doigts, ce qui n'était pas le cas dans les fabrications primitives. Enfin, et ce n'est pas la moindre caractéristique, la plaque de couche comporte au bec une importante excroissance destinée à faciliter l'épaulement de l'arme lors du tir.

POUR CONCLURE

Cette dernière observation introduit indirectement des réflexions sur l'usage qui pouvait être fait de ces armes, relativement élaborées à l'époque. En effet, leur incontestable sophistication par rapport au fusil de base de la troupe qui, hormis sa mise de feu à percussion, était encore très proche au point de vue efficacité et performances balistiques de ceux en usage durant la Révolution, leur conférait indéniablement une " place à part " dans les unités de ligne, y compris dans les Troupes de Marine qui, à l'époque, dépendaient de la Marine. De plus, ces " carabines ", puisque telle était leur appellation, n'étaient affectées qu'en nombre relativement restreint, et ce dans des formations où elles pouvaient avoir une utilité certaine. A ce niveau, elles n'étaient attribuées qu'à des tireurs confirmés, d'une certaine ancienneté, instruits , y compris dans le domaine général, possédant le sens de l'initiative, et enfin presque toujours gradés. Cela ne rappelle-t-il rien de nos jours ? Comme quoi l'histoire, dans ce qu'elle a de plus concret, ne se refait pas et qu'il y a beaucoup à gagner à la revisiter et à en tirer les leçons, tout en les adaptant à l'instant présent bien évidemment

 

Lcl (CR) Jack Pellissier