DU SAHARA AU LAC TCHAD : LA MISSION FOUREAU-LAMY
ORGANISATION DE LA MISSION FOUREAU-LAMY SCIENTIFIQUES : 5 MILITAIRES (la plupart du 1° Régiment de Tirailleurs algériens) : 317 - officiers : 11 - tirailleurs : 263 - spahis à cheval : 13 - spahis sahariens : 29 (à partir de la frontière nigérienne) - sous-officier artilleur : 1 NOMADES : 69 (guides, pisteurs, chameliers) TOTAL PERSONNEL : 391 ANIMAUX : - chameaux : 1000 Pour le personnel et le transport des vivres, bagages et de deux petits canons. - chevaux pour les civils et les officiers |
Itinéraire de la mission : Carte du continent africain avec les axes de progression des 3 missions
En 1898, l’Angleterre autorise la France à étendre son influence au Niger et au Tchad. Il s’agit, à cette époque, de territoires inorganisés, sans frontières, soumis à l’autorité de tyrans ou de petits chefs locaux.
Pour « planter notre drapeau » dans ces régions où nous ne sommes pas présents, on décide d’envoyer trois détachements qui convergeront vers le lac Tchad : le premier partira d’Ouargla au Sahara (mission Foureau-Lamy), le deuxième du Congo (mission du Chari) et le troisième du Sénégal (mission afrique centrale).Il s’agit d’un plan ambitieux, audacieux, d’un projet grandiose à la dimension du continent africain.
L'EXPLORATEUR FERNAND FOUREAU
Après quinze années consacrées à l'exploration du Sahara, il voudrait rejoindre le Niger en traversant le massif du Hoggar. Hélas, cela s'avère impossible notamment à cause de l'opposition et de l'hostilité des Touaregs qui assassinent militaires, missionnaires et autres commerçants. L'explorateur se rend à Paris où il constate que son projet ne suscite pas l'intérêt du gouvernement. Mais la chance sourit à Foureau : en 1897, un membre de la Société de Géographie lui présente le Cdt François Lamy ; sans le savoir, les 2 hommes poursuivaient le même projet. Passionnés, enthousiastes, ils décident de partir ensemble et affinent le projet en partageant leurs connaissances et leurs expériences. |
LE COMMANDANT FRANCOIS LAMY |
Affecté, en 1879, au 1° Régiment de Tirailleurs Algériens (1° R.T.A.) de Blida, le jeune sous-lieutenant Lamy fait ensuite campagne en Tunisie, au Tonkin, au Sahara et à Madagascar. A l'issue de son séjour dans la grande île, il profite de son congé de fin de campagne pour se rendre à Paris où il apprend que le Président de la République recherche un officier d'ordonnance appartenant à l'armée d'Afrique et connaissant bien l'Algérie.
Sa candidature ayant été retenue, il présente le projet au Président qui est séduit et fait le nécessaire. Les ministres orientent et coordonnent l'action de leurs subordonnés qui mettent à la disposition de l'explorateur et du Commandant les moyens nécessaires |
D’OUARGLA A LA FRONTIERE DU NIGER
La mission quitte Ouargla, sa base de départ, le 23 octobre 1898. Trois mois après, elle arrive à la frontière du Niger : elle a parcouru 1400 km sans être inquiétée par les Touaregs. Cependant la situation des chameaux est préoccupante car on en a perdu 200 dans le massif du Hoggar et dans le désert du Ténéré (entre le massif du Hoggar et la frontière du Niger) dépourvu de puits et de végétation.
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DE LA FRONTIERE DU NIGER A ZINDERDurant ce déplacement Lamy et ses hommes durent faire face à l'hostilité des Touaregs du massif de l'Aïr ; ces derniers lancèrent plusieurs attaques qui furent repoussées avec succès. Par ailleurs, il était prévu de profiter des ressources de cette région d'élevage, riche en pâturages pour renouveler le troupeau de chameaux décimé par l'épuisement, les blessures et la maladie. Dans le but d'anéantir la mission, les Touaregs s'y opposèrent. Désormais tout le monde marchait à pied. Ce fut ensuite l'ordre célèbre du commandant : « Brulez tout le luxe inutile ». Allégée d'une grande partie de ses bagages, la mission continua, comme elle le put, sa progression mais ce n'était plus la fière et imposante colonne d'Ouargla, maintenant cela ressemblait à un immense troupeau qui avançait péniblement : une centaine de chameaux ouvrait la marche, derrière les bourricots trottinaient pour ne pas se laisser distancer, en queue de la colonne la viande sur pied : des boeufs, des chèvres et des moutons. Après avoir enduré de cruelles souffrances, les tirailleurs épuisés, vêtements en loques, pieds nus atteignirent Zinder où ils furent accueillis par la Mission Afrique Centrale qui les y avaient précédés1. DE ZINDER A KOUSSERIA Zinder les tirailleurs purent se reposer dans un camp confortable aménagé par la Mission Afrique Centrale; la nourriture était abondante, la ville agréable et propice à la détente ; les artisans locaux confectionnèrent les vêtements et les chaussures qui manquaient. Dans les pâturages, on trouva les bêtes nécessaires à la poursuite de la mission. Reposés, équipés de neuf, les tirailleurs repartent en direction de Kousseri à 1400 km. A cheval2, le déplacement est plus facile. On traverse une région à la végétation exubérante ; on rencontre des hippopotames, des girafes, des éléphants, on savoure le poisson que l'on pêche à l'explosif. Les chefs de village font bon accueil. LA CAMPAGNE CONTRE LE SULTAN RABAHLa jonction des missions Foureau-Lamy et Afrique Centrale s'opère à l'Est du lac Tchad. A la tête des deux missions, le Commandant s'empare facilement de la ville de Kousseri tenue par les rabistes3 commandés par un lieutenant de Rabah. Lamy s'installe dans cette ville et envoie des patrouilles qui parviennent à repérer, à peine à 7 km, le camp du sultan ; aménagé et fortifié, il est tenu par le gros de son armée (plusieurs milliers d'hommes). Le 22 avril 1900, le lendemain de l'arrivée de la mission du Chari, le Commandant attaque le camp avec les trois missions. Habile manoeuvrier, il adopte un ensemble de dispositions menant au succès : après une intense préparation d'artillerie4, les tirailleurs s'élancent à l'assaut et s'emparent du camp ; l'ennemi s'enfuit abandonnant un millier de morts ; un tirailleur promène la tête de Rabah au bout d'une lance. Victoire chèrement payé par la mort du Commandant. Les officiers et les tirailleurs pleurent leur chef bien-aimé. Conformément au règlement, c'est l'officier le plus ancien, dans le grade le plus élevé qui prend le commandement : il s'agit de l'adjoint du Commandant, le CN Reibell qui met un terme à la campagne et ramène en France les 252 survivants5. 1 Arrivée à Zinder 3 mois auparavant, elle est repartie en direction du Tchad en laissant sur place un détachement chargé de l'accueil de la mission Foureau-Lamy
2 Originaires de la Kabylie, les tirailleurs algériens ne savaient pas monter à cheval ; à Zinder ils suivirent des cours à la mission. Seule ombre au tableau : les habitants de cette région sont tyrannisés par le sultan RABAH qui s'empare des villageois pour les vendre. Les récalcitrants sont exécutés. Leurs squelettes sont entassés près des villages.
3 Soldats de Rabah
4 Avec 4 canons
5 Il convient de préciser qu'on n'eut pas à déplorer de pertes parmi les civils de la mission Foureau-Lamy
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LE PREMIER REGIMENT DE TIRAILLEURS ALGERIENS (1° R.T.A.)
Les cadres et les tirailleurs du 1° R.T.A. étaient fiers de servir dans cette unité d’élite où l’esprit de corps était très développé.
Dans ses rangs, le Commandant avait servi et combattu en Tunisie, au Tonkin, à Madagascar et à El Goléa. C’était son régiment qu’il chérissait : avant de partir, il avait –avec l’autorisation du chef de corps- coupé et emporté 2 franges dorées de son emblème ; après sa mort on les retrouva plaquées sur son coeur, tachées de sang.
Avec ses tirailleurs il avait développé des liens de camaraderie et de fraternité : des sentiments d’estime réciproque les unissaient. C’est eux qu’il avait choisis pour affronter les dangers de l’expédition : tous s’étaient portés volontaires.
Les tirailleurs s’étaient montrés dignes de la confiance de leur chef. Avec lui ils avaient enduré fatigue, soif, faim, froid et chaleur. Tour à tour méharistes, cavaliers, conducteurs de bourricots et même en piroguiers, ils avaient su s’adapter à toutes les situations.
Ils avaient surmonté toutes les épreuves et les souffrances avec le sentiment d’appartenir à un régiment d’élite dont la devise était : « Toujours le premier ».
Ce furent surtout et avant tout de magnifiques combattants qui firent honneur à leur régiment.
Le Commandant Lamy est né à Mougins (06). Cette ville a fait édifier sa statue et conserve précieusement les lettres, documents et photos sur sa vie et sa mission.
L’objectif fixé par le gouvernement a été atteint. En 1900, notre drapeau flotte sur le Niger et le Tchad et notre empire s’étend du Sénégal au Tchad sur 4000 km.
Nous avons aussi donné un coup d’arrêt à l’esclavage. Il convient de rendre hommage aux artisans de cette victoire en particulier à nos courageux et fidèles tirailleurs.
Gloire au Commandant Lamy qui a écrit avec son sang une des pages les plus glorieuses de notre histoire dont le souvenir restera à jamais gravé dans notre mémoire.
Lieutenant-colonel Bruno CHAVERNAC