INFANTERIE MONTEE A CHAMEAU
(Ministère de la guerre, Revue des Troupes coloniales, 1ère année, Editeur militaire, Henri Charles-Lavauzelle, Paris, 1902)
Notes sur l’organisation d’une compagnie montée à chameau dans les 1er et 3e territoires militaires de l’Afrique occidentale
Notes sur l’organisation d’une compagnie montée à chameau dans les 1er et 3e territoires militaires de l’Afrique occidentale
L’ennemi que nous pouvons être appelés à combattre dans le centre africain, et particulièrement dans le sud saharien (1er et 3e territoires militaires de l’Afrique occidentale française), est souvent un ennemi essentiellement mobile, parcourant en une seule journée de longues distances et puisant, la plupart du temps, sa force dans la fuite à travers un pays désert, manquant de ressources en eau et en vivres, où il se trouve dans sont élément, tandis que nos troupes y sont en proie aux pires privations.
Nos fantassins indigènes, malgré la plus belle endurance aux fatigues, sont incapables d’atteindre l’ennemi, toujours monté sur des animaux porteurs, et, la plupart du temps, sur des montures rapides. Nos reconnaissances, si elles ne sont pas outillées d’une façon spéciale, sont tenues de suivre des itinéraires déterminés par les rares points d’eau. Ces derniers sont fréquemment distants de plus de 100 kilomètres, et n’ont qu’un maigre débit d’eau, qui force souvent une colonne tant soit peu nombreuse à y stationner toute une journée pour s’abreuver à peine. Même dans les pays habités du centre africain, les puits sont peu abondants, et si l’on ne veut pas retarder la marche d’une colonne, il faut alors prévenir les habitants et leur ordonner de rassembler de l’eau en des points fixés, et, de ce fait, renoncer aux opérations conduites à l’improviste ou préparées en secret.
L’auteur de ces notes a reconnu, pendant son séjour de deux ans et demi dans le centre africain, la nécessité de doter sa troupe d’un outillage spécial, qui lui permît d’obvier aux inconvénients qui viennent d’être signalés et d’atteindre l’ennemi Touareg, en particulier, dans sa fuite en plein désert.
Ayant monté sa compagnie sur des méharas, il a obtenu les meilleurs résultats, une mobilité extrême et un rayon d’action considérablement étendu pour sa troupe, ainsi qu’une indépendance complète pour ses reconnaissances, qui, emportant avec elles eau et vivres, n’avaient plus à se préoccuper que dans une faible mesure, des ressources des pays traversés.
Toutefois, il n’a pas pensé, en montant ses tirailleurs, créer une arme nouvelle, ayant des méthodes de combat distinctes de celles de l’infanterie : en un mot, il n’a pas voulu de ses tirailleurs faire des méharistes, qui auraient toujours été inférieurs aux Touaregs, habitués au chameau dès leur enfance.
Il n’a employé, dans sa compagnie, le chameau que comme “moyen de transport”, destiné à étendre son rayon d’action, à augmenter sa mobilité et son indépendance et à diminuer les fatigues et les privations de sa troupe.
C’est en partant des mêmes principes et en considérant le but à atteindre que le harnachement du chameau a été adopté tel qu’il est décrit plus loin.
Les officiers et les sous-officiers seuls montent en “rhala”. La rhala est la selle indigène qui demande une pratique plus grande du chameau, mais permet les déplacements rapides à toutes allures. Il importe, en effet, que les gradés, à partir des sergents, puissent se porter, presque instantanément où leur présence est nécessaire. Vis-à-vis des indigènes, le prestige et la distinction inhérents à leur grade sont, en outre, mieux accusés. La rhala est également la selle des flanqueurs et éclaireurs.
L’ “aouïa”, qui n’est autre que le bât du chameau de charge, a, en revanche, pour l’homme du rang, lorsqu’elle a subi quelques aménagements particuliers, de tels avantages qu’elle a été préférée par ce dernier à la rhala.
Elle rend, il est vrai, l’allure du trot pénible. Mais le trot ne sera employé qu’exceptionnellement. Avec le pas seul, une compagnie montée peut déjà doubler les étapes que ferait une compagnie à pied. Et le but cherché n’est pas seulement d’aller vite, mais d’aller longtemps. Le pas sera donc l’allure habituelle de la compagnie montée.
En retour, l’aouïa permet à l’homme de varier davantage ses positions pendant les longues routes et de se placer plus à son aise. Elle facilite la disposition du chargement de l’animal (eau, vivres, effets). Moins délicate que la rhala, elle craint moins les accidents et résiste plus longtemps aux fatigues d’une longue route. Elle est aussi plus facilement réparable. Chacun peut la remettre en état avec les moyens dont il dispose, si elle a subi quelque dégradation. L’homme monté en aouïa se sent plus en sécurité et plus solide sur sa monture. Il saute à terre plus facilement. Enfin, de nombreux animaux, dont la conduite serait difficile en rhala, sont moins rétifs et plus maniables lorsqu’ils sont montés en aouïa.
Capitaine Moll